Le jeudi 10 mars 2011 se déroulera la journée mondiale du rein et à cette occasion l’INSERM organise des conférences dont une extrêmement importante sur l’une des maladies génétiques les plus fréquentes au monde, la Polykystose (cette pathologie concerne plus de 100 000 personnes en France et près de 15 millions de personnes dans le monde), malheureusement elle est inconnue du grand public.
L’un des chercheurs les plus réputés dans ce domaine, le Dr Duprat (CNRS /Nice) sera présent pour animer cette conférence sur la polykystose à l’Académie Nationale de Médecine de Paris de 11h20 à 11h50 le jeudi 10 mars 2011.
Durant toute la journée, de 9h jusqu’à 18h, de nombreuses conférences ont été organisées grâce à la Fondation du Rein et l’INSERM et cette journée est placée sous le haut patronage du ministère de la santé.
La polykystose rénale autosomique dominante (PKD)est la plus fréquente des maladies rénales génétiques. Elle se caractérise par la présence de kystes qui vont détruire progressivement le parenchyme rénal. Elle peut se compliquer d’insuffisance rénale chronique terminale. Il n’y a pas actuellement de traitement permettant de ralentir la croissance des kystes, mais une meilleure compréhension de sa physiopathologie a permis l’identification de nombreux candidats médicaments.
Est ce une maladie fréquente ?
La fréquence de la polykystose rénale autosomique dominante est de 1/1000 dans la population générale. C’est une des maladies génétiques les plus fréquentes. Elle est responsable de 8% des cas d’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT).
Quelle est la cause de la maladie ?
La PKD est une maladie génétique de transmission autosomique dominante. Le risque de transmettre le gène muté à ses enfants est de 50%. Dans 10% des cas il n’y a pas d’antécédent familiaux, on parle de mutation de novo.
Les deux gènes mutés sont PKD1 et PKD2. PKD1 est localisé sur le bras court du chromosome 16, il code pour une protéine la polycystine-1. Les mutations de PKD1 sont responsables de 85% des cas de PKD. PKD2 est localisé sur le bras long du chromosome 4. Il code pour la polycystine-2. Les mutations de PKD2 sont responsable de 15% des cas de PKD. Il existe de rares cas de PKD non liées à l’un de ces gènes, faisant suspecter l’existence d’un troisième locus.
Les mutations dans PKD1 sont associées à un moins bon pronostic rénal que les mutations de PKD2, l’age moyen de début du traitement de suppléance est de 54 ans contre 72 ans. Le siège de la mutation dans PKD1 a aussi un impact sur le pronostic rénal. Une mutation localisée au début du gène (en 5′) est associée à une IRCT plus précoce qu’une mutation en fin de gène (3′).
Les manifestions cliniques entre les familles et dans une même famille sont très variables. Il existe une variabilité d’expression phénotypique inter et intra familiale. Il est difficile de définir un pronostic individuel.
Quelles sont les manifestations de la maladie ?
la PKD est une maladie systémique. Elle peut toucher de nombreux organes. Il faut distinguer les manifestations secondaire au développement des kystes et les manifestations indépendantes de la kystogenèse.
Les kystes rénaux sont responsables de toutes les manifestations rénales. Ils se multiplient, augmentent de volume et détruisent progressivement le parenchyme rénal. La destruction du rein est responsable de l’insuffisance rénale chronique. Les kystes désorganisent l’architecture normale du rein. Cette altération morphologique est responsable de l’hypertension artérielle, de la lithogenèse et favorise les infections urinaires. L’augmentation du volume rénal est responsable de compression et de douleurs. L’augmentation de volume des kystes peut éroder les petits vaisseaux et être responsable d’hémorragie intrakystique qui seront douloureuses ou d’hématurie. Les douleurs lombaires sont fréquentes. Les douleurs aiguës sont associées à une complication: hémorragie, calcul, infection urinaire. Les douleurs chroniques sont le plus souvent secondaire à l’augmentation de volume des reins qui mettent sous tension la capsule du rein ou tirent sur le pédicule. Les lombalgies secondaires à la modification de la statique rachidienne ne sont pas rares.
Les kystes hépatiques ne sont pas responsables d’insuffisance hépatique. Leur principale complication est l’augmentation de volume du foie. ‘hépatomégalie s’associe à des douleurs, à une sensation de pesanteur et des compressions des organes de voisinage. Le volume hépatique peut être très important surtout chez les femmes.
Les autres localisations kystiques non rares sont le pancréas, l’arachnoïde et les épididymes. Elles sont rarement responsable de symptômes.
Les anévrysmes des artères cérébrales (AAC) sont présents chez 15% des polykystiques. Il existe un risque plus important si un membre de la famille a présenté un anévrysme. Le dépistage ne se fait que dans ce cadre. L’examen de référence est l’angio-IRM. En cas de découverte d’un AAC, il faut une prise en charge multi disciplinaire. Pour les petits anévrysmes, la surveillance doit être la règle.
Les maladies valvulaires cardiaques: il existe une insuffisance mitrale, un prolapsus valvulaire mitrale ou une insuffisance aortique chez 20% des polykystiques.
Les autres atteintes possibles sont des bronchiectasies, la stérilité masculine, une diverticulose colique et des hernies de la paroi abdominale.
Est ce que j’ai une polykystose rénale autosomique dominante ?
Le diagnostic repose sur deux piliers: la mise en évidence de kystes dans le parenchyme rénal (échographie rénale) et une histoire familiale de maladies kystiques rénales de transmission autosomique dominante (arbre généalogique). En cas d’histoire familiale il faut, avant 30 ans, la présence d’au moins deux kystes rénaux uni- ou bilatéraux ; entre 30 et 60 ans, la présence d’au moins deux kystes dans chaque rein ;après 60 ans, la présence d’au moins 4 kystes dans chaque rein. Après 30 ans, l’absence de kystes dans les reins élimine le diagnostic de PKD. Dans les cas difficiles ou sans histoire familiale, la recherche de mutations dans les gènes PKD1 et PKD2 peut apporter une certitude diagnostique.
Est ce que l’insuffisance rénale chronique est inévitable?
L’insuffisance rénale chronique (IRC) se définit par une altération irréversible de la fonction rénale. Elle se traduit par une diminution du débit de filtration glomérulaire (DFG normal: 100 ml/mn/1,73m2). Une définition de l’IRC est un DFG inférieur à 60 ml/mn/1,73m2. La PKD est une maladie d’une grande variabilité d’expression phénotypique. Il est difficile de donner un pronostic individuel. Des facteurs de mauvais pronostic rénal ont été identifiés par l’analyse de cohortes de patients. Il ne s’agit que de données statistiques. Deux ont un poids important le génotype PKD1 vs PKD2 et le volume rénal. Plus les reins sont gros et plus ils augmentent de volume rapidement plus le risque d’insuffisance rénale chronique est important. Les autres facteurs de mauvais pronostic sont le sexe masculin, l’âge au diagnostic clinique, la précocité des épisodes d’hématurie macroscopique, la présence d’une HTA, la présence d’une microalbuminurie ou d’une protéinurie, le tabagisme. L’IRCT (nécessité de dialyse ou de transplantation) survient chez la moitié des polykystiques entre 50 et 60 ans, ensuite tous les 10 ans, 10% des polykystiques vont développer une IRCT.
Pourquoi ai je des kystes ?
La présence de kystes dans le parenchyme rénal est secondaire à la perte du deuxième allèle de PKD1 ou PKD2, c’est le modèle en deux coups. Nos gènes existent en deux copies. Pour que la cellule rénale deviennent kystiques, il faut que les deux copies de PKD1 ou PKD2 soient mutés. La mutation de la première copie est transmise, la deuxième copie subit une mutation somatique. Ce modèle permet de comprendre la variabilité d’expression de la maladie. La cellule qui ne produit plus de polycystine 1 ou 2 est incapable de sentir correctement son environnement, en particulier par la perte de fonction du cil primaire. Au lieu de former un tube qui réabsorbe, elle va former des sphères qui sécrètent, les kystes.
Qu’est ce que je dois faire ?
Il n’existe pas de traitement curatif de la polykystose rénale autosomique dominante. Il existe de nombreuses pistes thérapeutique en cours d’évaluation. Il y a par contre un ensemble de mesures qui permettent d’éviter certaines complications. La première mesure est de dépister et de traiter l’hypertension artérielle. Il faut que la tension artérielle soit prise tôt chez les sujets à risque de présenter une PKD. Son traitement repose sur des règles hygiéno diététiques: limitation de l’apport en sel, exercice physique régulier, perte de poids si il y a un surpoids, et la prise de médicaments. La classe thérapeutique à privilégier est les bloqueurs du systéme rénine angiotensine. Il faut arrêter de fumer et limiter sa consommation en café. Enfin il faut éviter les épisodes de déshydratation en buvant régulièrement de l’eau de façon à obtenir une diurèse supérieure à 2 litres par jour. Un suivi néphrologique régulier est important.
Est ce que je prends des risques à être enceinte ?
La grossesse est possible chez les femmes porteuses d’une polykystose. En l’absence d’hypertension artérielle et d’insuffisance rénale chronique, l’immense majorité des grossesses se déroule sans complications maternelles ou foetales. Les complications possibles sont la survenue ou l’aggravation d’une HTA, la survenue d’une préeclampsie avec ses complications maternelles et foetales. La grossesse peut entraîner une dégradation de la fonction rénale si il existe une IRC préexistante. Une dimension supplémentaire est le risque de transmission de la maladie. Il ne faut pas hésiter à rencontrer une équipe de généticiens pour bénéficier d’un conseil génétique. La grossesse doit être programmée et la prise en charge multidisciplinaire par des équipes entraînées. Une collaboration étroite entre l’équipe néphrologique et gynéco-obstétricale est la clé d’une grossesse réussie.
Est ce que je peux être transplanté du rein ?
La transplantation est un excellent traitement de l’IRCT chez le patient porteur d’une PKD. Le pronostic est excellent. Il est parfois nécessaire d’enlever un des reins propres pour faire de la place.
Conclusion
La polykystose rénale autosomique dominante est une maladie génétique fréquente. La prise en charge néphrologique doit être précoce et régulière. Le contrôle de la TA est essentielle pour prévenir les complications cardio-vasculaire. La maladie est mieux comprise et des traitements sont en cours de développement pour empêcher l’apparition ou ralentir la progression de l’insuffisance rénale chronique. Il est probable que dans la décennie qui vient des médicaments ralentissant la progression de la maladie seront disponibles pour l’ensemble des patients.