Le droit de laisser mourir : une loi méconnue
L’édito
L’homme et sa dignité au cœur des débats
Extrait : « La science ne nous donnera jamais « la » réponse à la question du sens et de la finalité – notamment sur cette question première de la vie humaine.
Elle élargit le champ des possibles : on peut vivre mieux et plus longtemps. (…) Elle nous amène au contraire à chaque avancée technologique à nous poser à nouveau cette question et à penser la vie non seulement comme un fait biologique mais comme un acte libre et volontaire au quotidien.
Le dossier du mois
Droits des patients en fin de vie : une réglementation ignorée ou mal comprise
La loi Léonetti de 2005 donne un cadre réglementaire au fait de laisser mourir un patient en fin de vie. Son contenu reste encore relativement méconnu des familles et des soignants, et des actions sont menées pour mieux l’appréhender. Mais si cette loi donne une ligne directrice, elle ne résout pas pour autant toutes les questions liées à cet acte délicat.
Témoignage
Dr Régis Aubry, président de l’Observatoire national de la fin de vie
Extraits : « La loi droits des malades et fin de vie du 22 avril 2005 a le grand mérite de poser la question des limites de la médecine en interdisant l’acharnement thérapeutique. Sur un sujet aussi complexe et tabou que celui de la fin de vie, cette loi modifie en profondeur l’approche médicale. Elle met au premier plan le respect des décisions de la personne malade, principale intéressée par sa maladie. Ce faisant, elle modifie considérablement la façon d’aborder cette question par les malades et les soignants. »
Le droit de laisser mourir : la loi sur la fin de vie méconnue
Le Pôle Santé et Sécurité des Soins du Médiateur de la République, depuis sa création en janvier 2009, a pu recueillir de nombreux témoignages qui donnent à penser que les principales dispositions de la loi du 22 avril 2005 sur la fin de vie sont restées peu connues ou mal comprises.
Le Pôle Santé et Sécurité des Soins a été, par exemple, récemment contacté par la famille de Monsieur B. Victime d’un accident de la circulation, Monsieur B était depuis près de 2 mois, dans un état végétatif chronique. Même si le pronostic avait été jugé désespéré par les médecins réanimateurs, Monsieur B. était traité pour une infection pulmonaire sévère. La famille a été choquée d’apprendre qu’un médecin réanimateur prenne la décision arbitraire et manifestement solitaire, lors de sa garde, d’arrêter les soins administrés. Si la volonté de la famille ne s’impose pas au médecin, la décision d’arrêt ou de limitation des soins est prise avec cette même famille en tenant compte de ses souhaits. D’autre part, cette décision aurait dû être prise en concertation avec toute l’équipe, selon une procédure collégiale, et de préférence avec le médecin qui a initié la réanimation.
Personnes de confiance et directives anticipées
Les directives anticipées ont été créées pour entendre les dernières volontés des patients et pourtant, peu d’entre eux sont informés de la possibilité de rédiger leurs souhaits de fin de vie. De plus, les professionnels sont méfiants vis-à-vis de la formulation de ces directives anticipées qui sont souvent générales, et qui peuvent être rédigées par une personne en bonne santé, ne reflétant pas forcément son état d’esprit, si elle devait être en phase avancée d’une maladie grave.
Monsieur V. est atteint d’un cancer hépatique et connaît son pronostic : il lui reste quelques semaines à vivre. Lors de sa dernière admission dans l’établissement oncologique, il désigne sa fille comme personne de confiance et rédige ses directives anticipées. Il ne souhaite pas être mis sous ventilation artificielle, tout en acceptant le protocole d’anxiolytique et de sédation.
Une nuit présentant des douleurs intolérables, il va réclamer, en vain, un antalgique plus puissant.
Il décède le lendemain, sous les yeux de sa famille, impuissante alors même que sa fille désignée personne de confiance aurait pu être consultée par l’équipe médicale.
Ces deux exemples, parmi d’autres, confirment à nouveau l’enquête réalisée en 2007 et 2008 auprès de 604 professionnels de santé et de 18 bénévoles intervenant en milieu hospitalier, pour le compte de l’Espace Éthique de l’AP-HP de Paris (Assistance publique-Hôpitaux de Paris).
Spontanément, 46 % des personnels soignants ont déclaré connaître la loi. Mais après une interrogation plus précise :
• 22 % savent qu’il existe une interdiction d’obstination déraisonnable,
• 12 % savent que la volonté des patients doit être respectée
• 9 % connaissent la notion de personne de confiance
• 5 % savent qu’est prônée la collégialité des décisions
A la lumière de ce sondage et des témoignages qu’il reçoit, Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, souhaiterait que les personnels travaillant dans des services de réanimation et de néonatologie aient une meilleure connaissance de la loi. Les personnels soignants (infirmières et cadres de santé) sont de façon générale plus au fait de la législation relative à la fin de vie que les médecins, les premiers bénéficiant de formations spécifiques.
La loi Léonetti de 2005 donne un cadre réglementaire au fait de laisser mourir un patient en fin de vie. Son contenu reste encore relativement méconnu des familles et des soignants, et des actions sont menées pour mieux l’appréhender. Mais si cette loi donne une ligne directrice, elle ne résout pas pour autant toutes les questions liées à cet acte délicat.
Trois ans après son vote à l’unanimité, la loi Léonetti a fait l’objet d’une évaluation révélant qu’elle était méconnue et mal appliquée par les personnels soignants, le ministère de la Santé n’ayant pas réalisé de campagne d’information suffisante. À l’issue de son rapport, la mission parlementaire d’évaluation a fait diverses propositions :
• Mieux faire connaître la loi en créant un Observatoire des pratiques médicales de la fin de vie, chargé de faire connaître la législation sur les droits des malades et la fin de vie ainsi que sur les soins palliatifs, et en instituant des espaces éthiques entre les parquets généraux et les chu.
• Renforcer les droits du malade en élargissant le recours à la procédure collégiale aux patients, par l’intermédiaire des directives anticipées, et à la personne de confiance, en faisant appel à des médecins référents en soins palliatifs dans les cas litigieux ou les plus complexes, et en mettant en place une allocation journalière d’accompagnement de fin de vie à domicile pour les proches.
• Aider les médecins à mieux répondre aux enjeux éthiques du soin en développant l’enseignement de l’éthique, en diffusant la culture palliative à l’hôpital, et en précisant dans le code de déontologie médicale les modalités des traitements à visée sédative qui doivent accompagner les arrêts de traitement de survie.
• Adapter l’organisation du système de soins aux problèmes de la fin de vie en poursuivant le développement de l’offre de soins palliatifs.
Quels sont les 5 principes fondamentaux de la loi à retenir ?
Synthèse des procédures d’arrêts ou de limitation d’actes de diagnostic ou de soins
Méconnue des soignants, et encore plus des familles
Depuis sa création en janvier 2009, le pôle Santé et Sécurité des Soins a été destinataire de nombreux témoignages qui ont permis de faire le même constat : les principales dispositions de la loi du 22 avril 2005 sur la fin de vie sont souvent ignorées ou mal comprises et ne sont, en conséquence, pas appliquées ou insuffisamment appliquées.
Une enquête réalisée en 2007 et 2008 auprès de 604 professionnels de santé (à l’exclusion des médecins) et de 18 bénévoles intervenant en milieu hospitalier, pour le compte de l’Espace éthique de l’ap-hp de paris (assistance publique-hôpitaux de paris), le confirme. Spontanément, 46 % des personnels soignants ont déclaré connaître la loi.
Mais après une interrogation plus précise, :
• 22 % savent qu’il y existe une interdiction d’obstination déraisonnable,
• 12 % savent que la volonté des patients doit être respectée,
• 9 % savent qu’est mise en valeur la notion de personne de confiance,
• 5 % savent qu’est prônée la collégialité des décisions,
• 4 % parlent de la possibilité de soulager la douleur en appliquant un traitement pouvant avoir un double effet.
De même, dans une enquête réalisée en 2008 en Ile-de-france, sur 150 cancérologues exerçant dans des établissements hospitaliers à forte activité cancérologique, trois seulement étaient formés aux soins palliatifs.
Il semblerait cependant que les personnels travaillant dans des services de réanimation et de néonatologie aient une meilleure connaissance de la loi et que les personnels soignants (infirmières et cadres de santé) soient généralement plus au fait de la législation relative à la fin de vie que les médecins, les premiers bénéfciant de formations spécifiques.
Méconnue des professionnels, la loi l’est tout autant des malades et de leurs familles. la fondation de france et la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs ont commandé à l’institut Ipsos, en 2009, un sondage sur la perception des soins palliatifs auprès d’un échantillon de 1 011 français :
• près de 9 personnes interrogées sur 10 considèrent que les soins palliatifs sont une réponse nécessaire à la souffrance des personnes gravement malades ou en fin de vie, et autant qu’ils permettent aux personnes gravement malades de vivre le plus sereinement possible la fin de leur vie.
• En revanche, 63 % des personnes interrogées ont néanmoins le sentiment d’être mal informées sur les soins palliatifs et 47 % pensent que toutes les personnes gravement malades ou en fin de vie ont la possibilité d’accéder aux soins palliatifs.
Selon une étude auprès des soignants, plus de la moitié des personnes en fin de vie ne bénéficieraient pas de soins adaptés à leur douleur et à leur détresse. Deux tiers d’entre eux estimeraient que les conditions de fin de vie de leurs patients leur paraîtraient inacceptables s’il s’agissait d’eux-mêmes ou de leurs proches.
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