A quelques encablures du Festival du Film à Cannes n’était-il pas intéressant de revenir sur certains moments de l’histoire du cinéma qui a beaucoup à nous dire tant sur l’évolution des écritures, des moyens techniques, des qualités intrinsèques des acteurs, dans le ton de leurs paroles de l’époque, dans un contexte de compromissions, d’émeutes, de déchirements, de guerres, puis de folies après guerre.
J’ai choisi quelques temps forts des années 30 à nos jours que je vous invite à lire un peu chaque matin afin de mieux vous intégrer dans le festival du film prochain qui aura lieu du 12 au 23 Mai 2010 au Palais des Festivals à Cannes.
Un récit certes succinct mais qui a pour objectif de remettre le cinéma dans son contexte en mémoire de films trés parlants.
Année 1930
« L’Ange bleu », le film le plus remarquable de cette année, réalisé par Josef Von Sternberg tiré du roman d’Heinrich Mann, Professor Unrat.
Dans son roman, Mann dénonçait, à travers le portrait du Professeur Rath, l’hypocrisie et les vices de la société bourgeoise allemande du début du siècle.
Sternberg a été davantage attiré par les ravages que déclenche la puissance érotique d’une femme, Marlène Dietrich, hier quasiment inconnue, aujourd’hui devenue inoubliable.
Avec sa voix rauque et la fameuse chanson : « je suis amoureuse de la tête aux pieds », Marlène Dietrich y incarnait un nouveau type de vamp.
« Sous les toits de Paris » Un film français de René Clair qui, en avril, a été présenté au Moulin-Rouge comme un « film 100% parlant et chantant français », n’eut contre pourtant qu’un succès mitigé.
Présenté en août à Berlin, sous le slogan osé « le plus beau film du monde »,
il remporta un succès foudroyant et commença dès lors une carrière triomphale, qui devait se prolonger en décembre à Londres, New York, Tokyo, Moscou et ailleurs.
C’est l’histoire d’un chanteur des rues qui se bat avec son meilleur ami, qui lui a pris sa maîtresse mais, voyant qu’elle l’aime renonce et reprend son errance de chanteur des rues.
L’œuvre a dû son succès au caractère poétique d’une histoire faisant la part belle au petit peuple de Paris et à l’acteur Albert Préjean.
Avec « le sang d’un poète », le premier film de Jean Cocteau, nous plongeons dans l’univers poétique de l’auteur. Les images sont toujours surprenantes et l’histoire est pour le moins insolite.
Un Film difficile à classer, « l’âge d’or », réalisé par Luis Bunuel et Salvador Dali.
Par ses références à l’exploration freudienne de l’inconscient comme par son esprit anarchiste et blasphématoire, cet âge d’or doit être considéré comme le premier film surréaliste.
Il a, du reste, provoqué un scandale inouï.
Projeté le 2 Octobre au Studio 28, le film reçoit la « visite », dès le 3 décembre, des représentants de la Ligue des patriotes et de la Ligue antijuive, qui commencent à lancer de « l’encre sur l’écran », allument des fumigènes et jouent de la matraque sur les spectateurs.
La projection recommence après leur évacuation, durant laquelle ils coupent le téléphone et détruisent ou dérobent les tableaux surréalistes exposés dans le hall du cinéma.
Le 5 décembre, une offensive menée par la presse est lancée contre le film dans le Figaro et aussi dans l’Ami du peuple.
Un conseiller municipal demande le renforcement de la censure (le préfet de police exigera des coupures, puis prononcera l’interdiction « pure et simple » du film, ainsi que la destruction rapide de toutes les copies en circulation). Heureusement, cette destruction sera incomplète.
Mais la preuve est faite que la liberté d’expression avait de singulières limites en France.Aujourd’hui c’est différent!!
Année 1932
Une année marquée par quelques films exceptionnels
« Boudu sauvé des eaux » de Jean Renoir qui relate l’histoire d’un vagabond égocentrique qui sera sauvé de la noyade par un bienfaiteur.
En remerciement, il ne fera pas moins que de séduire la femme et la bonne de ce dernier, une volonté de se sortir de ce train train de la bourgeoisie ennuyeuse.
Un film pathétique qui mettra bien en valeur l’anarchisme joyeux de Renoir mais qui ne rencontrera pas le succès espéré.
« Quatorze Juillet » de René Clair
C’est une comédie sentimentale que réalisera René Clair, la réussite parfaite pour une voie poétique de grande qualité.
« Shanghaï Express » de Josef von Sternberg avec Marlène Dietrich, son actrice fétiche.
Il s’agit là d’une banale histoire d’amour dans une Chine à feu et à sang, que la sensualité
de l’actrice transcende.
« Scarface » d’Howard Hawks
Est un film policier très savamment mené, qui nous fait suivre toute la carrière d’un gangster, de son ascension à sa fin tragique.
Paul Muni interprète un Al Capone étonnant.
La rigueur de Hawks fait passer les audaces d’un scenario, qui s’inspire de la vie réelle d’Al Capone … tout en suggérant un inceste entre frère et sœur.
Un autre film bien difficile à classer « Freaks » de Tod Browning
Les interprètes sont un groupe de « monstres » de cirque, nains, frères siamois, homme-tronc,
qui se révoltent contre leurs employeurs et oppresseurs, eux parfaitement « normaux ».
Mais le Film le plus important de l’année sera, « Que viva Mexico ! » jamais achevé….
Invité au Mexique par le romancier américain Upton Sinclair, Eisenstein a cru que Hollywood lui permettrait de réaliser sa grande fresque sur la civilisation mexicaine ( les financiers l’ont abandonné en cours de tournage).
Il a regagné l’URSS, mais ses bobines, des images stupéfiantes, sont restées à Hollywood.Quid?
Un Film qui apportera la notoriété : « La Croix de Bois » de Raymond Bernard, d’après le célèbre livre de Roland Dorgelès.
Une soirée du 17 Mars 1932 au profit des œuvres des anciens combattants qui s’était déroulée au Moulin Rouge.
Une palette de comédiens professionnels exceptionnels comme Paul Azaïs, Aimos, Pierre Blancher, Antonin Artaud.
Des anciens combattants de Verdun, du Chemin des Dames et des Epargnes.
Le Président Paul Doumer honorera de sa présence la première de ce Film signé par le fils de Tristan Bernard.
Un Film certes très impressionnant de par son thème mais très prenant pendant 2 heures.
Le Film retrace « honnêtement » et le public ne s’y est pas trompé.
« La Croix de Bois » apportera la notoriété à Roland Dorgelès pour son roman héroïque paru en 1919. Il sera élu à l’Académie Goncourt en 1929
A suivre……
Texte : Régina
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